dimanche 20 avril 2014






Les dates ne signifient pas la même chose pour tout le monde. Pour certaines personnes, elles ne signifient même rien du tout. D'autres s'y accrochent, comme des petits repères, qui pourraient rassurer.
Vers 17h, ce jour, cette date, après la sortie d'école, la récolte au marché aux fleurs, je suis au parc de la grande dame parisienne, avec la petite fille. La lumière est très blanche, sans doute à cause du sable, qui fait remonter la poussière. Cette lumière m'aveugle presque, elle me torture, comme un flash de vérité, qui fait vaciller. Deux ans auparavant, ce jour, cette date, approximativement cette même heure, c'était le même sentiment de basculement, le déchirement, l'impossibilité d'y faire face physiquement. L'implacable immobilité.
Ce matin là, en me réveillant, je ne me suis pas rappelée. J'allais au travail, le cœur déjà là bas. La journée devrait être un peu longue, mais après, ça irait. Puis l'arrêt à la boulangerie, la dame qui m'a vendu un pain au sucre, étant en larmes. Les émotions des autres, si rarement visibles, ne font que s'entrechoquer avec les nôtres, alors.
Le temps s'étire en ce moment, il est doux, même si, au fond, il ne faudrait pas trop gratter. Rester un peu lisse et joyeuse. Quand j'ai retrouvé ma mère, les jours qui ont suivi, elle m'a dit plusieurs fois, mais je t'énerve. J'ai répondu, une fois, tu crois que je fais comment sans toi, quand tu n'es pas là. En me sentant mortifiée tout de suite, en me disant, comment j'ai pu dire ça à une mère, à ma maman. La vérité est que si ma mère pouvait être là tous les jours, je me sentirais peut-être plus complète, mais est ce que les grands enfants sont faits pour vivre avec leurs parents ? Et leur maison, qui aurait pu m’agresser, ou n'être que douleur, après tout ça, est en fait le contraire. Le mercredi soir, nous arrivons, je monte les marches biscornues, de bois ou de pierre, un peu des deux. L'odeur de cette période, le renouveau, est particulière. L'humidité de l'hiver est en train de remonter par les basses profondeurs de la maison. Mais elle s'ouvre à l'extérieur et l'odeur qui aurait pu être écoeurante, est enveloppante. Cette odeur peut-être, aussi, d'ancienne ferme, mais surtout d'ancien nid de cinq petits enfants, de ce tumulte qui paraît si calme aujourd'hui, malgré la multiplicité à chaque coin et recoins des pièces. Et tant d'autres sonorités odorantes : le parfum de ma mère, toujours fleuri, les draps propres de ma chambre, la poussière un peu partout, dont on n'arrivera jamais à se débarrasser, les deux jardins qui se verdoient, devant-derrière la maison, ou en haut-en bas, on ne sait pas. Le dimanche, elle habillée de pois en pois et moi de bleu en bleu, je l'aide, si peu, à réveiller le jardin. Puis le macvin, avec le voisin, le chat qui miaule, ma mère qui remplit ma petite valise, de lilas, de terre d'ici, de son amour, oui oui. Paris me semble alors une obligation plus qu'un choix. Mais je sais que demain Paris sera chez moi.
En partant, le lundi, au petit matin, je dis à maman, on en bien profité, hein ? Elle me répond plus loin, qu'elle, le cafard, elle ne connait plus.

jeudi 17 avril 2014



Un vrai vendredi soir, sans réunion, ni enfants à border. La lumière est comme un spot, vive à cet endroit, puis sombre autour. Les murs blancs, blancs. Le canapé pourrait ressembler à un vide sans fond, alors qu'il est enveloppant au possible. Ses grandes jambes, à lui, son immensité si présente. Sa « rassurance » qu'il a appris à mes côtés. Les coussins mous, sans forme, comme une petite mer(e) en vaguelettes rares mais qui me retiennent de perdre pied. Il me demande, ma journée. Ma journée ? Je suis lasse. Égoïstement ou pas paresse, je ne raconte pas, je raconte peu. Trop peu. Ma journée est derrière.
La phrase refrain – qu'est ce qu'on fait-, ou -tu fais quelque chose avec moi- a fait plus que me pendre au nez. Je ne réalise que bien après, ce cœur d'enfant qui vit à mes côtés. Mais je ne sais que trop dédaigneusement jeter mes belles théories enfantines quand je suis face à lui. Il abandonne, comme souvent, me laisse à mes occupations.
J'ai pris d'assaut le canapé à l'envers, les jambes vers le ciel, un livre qui ne me tombe pas des mains. Ce n'est pas vraiment la fatigue, mais le silence. Le silence confortable, je ferme les yeux. La télé pour une fois ne braille pas les infos. J'entends ses gestes, sans rapidité. Les carottes qui se coupent, l'eau qui bout, le couvercle doucement posé ou retiré. Danserait-il avec la cuisine, discrètement ? Cela donne cette impression, comme une valse cachée. Après les cliquetis, rien. Le silence oppressant. J'ouvre les yeux, au dessus de moi, malicieusement, me regarde un géant.