vendredi 20 juin 2014

A croire que tout se relie à ça, en ce moment, l'enfance, la superbe. Mon enfance, la notre, et celles que je tiens entre mes mains, mes bras chaque jour. Et puis celle, hypothétique, rêvée, utopique oui, mais redoutée en même temps.

Dans la salle d'attente, cette maman qui me confie son bébé, le temps de deux minutes. Je suis un peu abasourdie, elle ne me connait pas, je tiens sa toute petite fille dans mes bras, elle sourit dans son sommeil. Quand sa mère revient, elle me demande et vous, vous êtes enceinte de combien ? ah non moi je ne suis pas du tout enceinte. J'ai à peine été blessée par ses mots, elle balbutie, j'ajoute, mais je suis éducatrice de jeunes enfants, je travaille dans une crèche. Avant que la porte en face ne s'ouvre, la mère m'offre un soulagé ah oui c'est ça que j'ai du ressentir. Quand la porte en face, se referme derrière moi, avec la douce femme, je suis inquiète, je ne comprends pas. Avant même d'avoir émis le vrai désir de cet accueil, je fais face au constat ambiant. Celui que nous connaissons toutes, par une amie, une sœur, une collègue, ou par soi-même.

Dans ma vie depuis un an et presque trois quart, une petite princesse aux cheveux noirs et bouclés, aux yeux si durs et si doux à la fois. Elle vient d'un monde qui ne me ressemble pas, qui m’écœure et m'étouffe. Mais cette petite princesse, à chaque fois qu'elle glisse sa main dans la mienne, en traversant la rue, ou juste pour se raccrocher à moi, produit un miracle. Soudainement, je suis vraiment présente, je suis moi, je suis
Ce sont les enfants des autres dont je m'occupe, et ça m'agite.  Quand on prend le temps de l'écouter, l'enfance est violente. Violente d'incompréhensions et de frustration, violente d'amour et de sérénité. L'enfance enveloppe et recueille. Combien sont-ils à passer à côté ? Plusieurs fois dans la semaine, je berce ces tout-petits, je les endors, et alors qu'ils se tordaient de colère, bientôt, dans mes bras, c'est l'apaisement. ça ne marche pas à tous les coups, parce que c'est comme ça. Plusieurs fois aussi, je calme les pleurs, je tends les bras ou offre mes genoux, je rassure les parents, et essaie de faire passer le message que leurs enfants, chaque enfant est merveilleux. Parce que c'est la vérité. Je fais un travail méconnu, incompris, fatigant et épuisant, autant physiquement que moralement. Mais jamais quand je ferme la porte de la crèche, je ne me dis ouf c'est terminé.