samedi 21 novembre 2015





Je ne sais pas si c'est d'avoir écris qui a fait que ma peur s'est envolée. Ou bien la soirée d'adolescente passée avec P. et A., petite soeur et comme soeur. On avait commencé à virevolter sur du Marie Laforêt toi mon amour mon ami, j'avais sorti mon rouge à lèvre bien rouge, celui que J. déteste mais qui moi me fait sentir beaucoup plus forte. Puis les chansons ont défilé, on avait fini la bouteille de Macvin, on a dépoussiéré les jupes, chapeaux, boléros et chaussures à talons. C'était la liberté. Ouvrir grand les bras, gonfler les poumons pour en laisser le rire en partir et en revenir.
Le lendemain, être deux sœurs,et deux frères, un parcours de course où il ne fallait pas avoir froid aux yeux. N'avoir mal nulle part, ça aussi c'est la liberté retrouvée. Les chemins caillouteux qui montaient, les petits sentiers recouverts d'une épaisse couche de feuilles mortes qui descendaient à pic, puis juste de l'herbe verte et le soleil partout, quel goût d'utopie.
Retourner à Paris, et bien vite se coucher pour retrouver les tout-petits le lendemain. Je n'ai pas tressailli, pas une seule fois, en prenant les transports ce matin là, et il en a été de même tous les jours. Je me suis surprise à regarder les gens, plus que d'habitude. Parfois, dans le RER, je me rends soudain compte du silence, alors que la rame est bondée. Je lève les yeux et je les observe toutes ces silhouettes anonymes, qui me paraissent tristes et bien enfermées sur elles-mêmes. Mais ces nouveaux matins, je regarde encore et je croise d'autres yeux, interrogateurs, songeurs. Est ce qu'on se reconnaît ? Je me persuade que oui, que quelque chose nous lie, que l'on a un peu tous les mêmes pensées en vrac, sentiments de confusion et d'urgence pèle-mêle. Enfin, lundi matin à la crèche, et eux, tellement hors du monde, mais si impliqués dans la vie, dans leur tourbillon incessant d'explorations. Il y a lui, et son sourire de côté quand il me voit, mon prénom qu'il répète comme une chanson toute la journée. Cette litanie, c'est comme entendre ma mère qui m'a raconté cent fois le jour de ma naissance. Ton père, il n'y avait plus rien qui comptait à part toi, il n'y avait que Camille, Camille, Camille, Camille. Il y a elle, petite fille passionnée, qui rage un instant, puis celui d'après vient se nicher dans nos bras, dans un soupir de bien-être. Elle dépose des  baisers tout légers, dans nos cous, sur nos joues, sur nos cheveux. Il y a elle, petit clown aux yeux en amande, déjà si indépendante, mais qui par moment, s'accroche comme une huître à nos bras qui la protègent. Il y a lui, et lui qui se réveillent de leur sieste en pleurs et qui réclament leur papa, les nez plein de morve et les yeux embués. Papa revient ce soir. Il y a lui qui dit non toute la journée, non pour s'habiller, non pour se coucher, non pour prêter un jouet, non toujours non. Et est ce que tu veux dire non ? Oui. Il y aussi les non que nous sommes parfois obligés de lui dire et qui le mettent dans un état de tristesse incroyable, des larmes en torrent, si compliquées à recueillir. Il y a toute leur vie en continu, leur mouvement, ce qu'ils viennent chercher chez nous, chez moi, qui relie si bien aux racines, leurs regards dans le mien, qui visent en plein de le mille. J'ai cessé d'avoir peur à leur contact.
La fatigue m'est tombée dessus d'un seul coup, les nuits peut-être apaisées, et de nouveau les matins brouillards épais, dont je me souviens pas des bruits de J., juste son baiser de au revoir et son rire en le faisant. Et alors que je la croyais disparue, paradoxalement, la colère refait surfasse, une après midi trop silencieuse, je me crispe, j'ai envie de me battre, je n'ai plus envie de dire oui, oui amen, à tout et advienne que pourra. D'où vient ce sentiment de ne pas me sentir respectée, à commencer par moi-même ?

1 commentaire:

  1. Il faudrait mille suites à cet article, mais j'en demande trop peut-être, alors que je me sens déjà gâtée d'avoir cette chanson à lire, par surprise, sur le canapé pendant la faim d'Odilon. Et cette photo de vous 4, 5, 6, oh la la! Quelle belle tribu!

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